De peur qu’une guitare, une molle romance
Soupirée au jardin, un doux air qu’on commence
Et qu’on n’achève pas, quelque fantôme blanc
Qui se glisse à travers le feuillage tremblant,
Ne viennent, triomphant d’un cœur qui les défie,
Toute la nuit troubler votre philosophie ; —
Jamais surtout, berçant votre esprit suspendu,
Sur la fraîche ottomane en désordre étendu,
Un roman à la main, jamais ne passez l’heure
À gémir, à pleurer avec l’amant qui pleure ;
Car vous en souffrirez ; car, à certain moment,
Vous jetterez le livre, et dans l’égarement
Vous vous consumerez en émotions vaines ;
De votre front brûlant se gonfleront les veines ;
De votre cœur brisé les lambeaux frémiront,
Et pour se réunir encor s’agiteront.
Tel le serpent, trahi sous l’herbe qui le cache,
Et qu’a tranché soudain un pâtre à coups de hache :
Il se dresse, il se tord en cent tronçons cuisants,
Et rejoint ses anneaux au soleil tout luisants. —
Veillez sur vous, veillez ; la défaite est cruelle :
Si vous saviez, hélas ! ce qu’en un cœur rebelle
Enfantent de tourments les transports sans espoir,
Les rêves sans objet et des regrets au soir !
Oh ! point d’étude alors qui charme et qui console,
Arrosant d’un parfum chaque jour qui s’envole ;
Point d’avenir alors, ni d’oubli : l’on est seul,
Seul en son souvenir comme en un froid linceul.
L’âme bientôt se fond, et déborde, et s’écoule,
Pareille au raisin mûr que le vendangeur foule ;
On s’incline au soleil, on jaunit sous ses feux,
Et chaque heure en fuyant argente nos cheveux.
Ainsi l’arbre, trop tôt dépouillé par l’automne :
On dirait à le voir qu’il s’afflige et s’étonne,
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