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DE JOSEPH DELORME


Et toi, frappé d’abord d’un affront trop insigne,
Chantre des saints amours, divin et chaste cygne,
Qu’on osait rejeter,
Oh ! ne dérobe plus ton cou blanc sous ton aile ;
Reprends ton vol et plane à la voûte éternelle
Sans qu’on t’ait vu monter.

Un jour plus pur va luire, et déjà c’est l’aurore :
Poëtes, à vos luths !… Pourquoi tarder encore,
Ô vous, le plus charmant ?
Sous quels doigts merveilleux la mélodie a-t-elle
Ou tissus plus soyeux, ou plus riche dentelle,
Ou plus fin diamant ?

Fuyez des longs loisirs la molle enchanteresse ;
La gloire est là (partez !) qui du regard vous presse
Et vous convie au jour :
Hâtez-vous ; quelle voix plus tendrement soupire,
Et mêle dans nos yeux plus de pleurs au sourire
Quand vous chantez l’amour ?

Mais un jeune homme écoute, à la tête pensive,
Au regard triste et doux, silencieux convive,
Debout en ces festins :
Il est poëte aussi ; de sa palette ardente
Vont renaître en nos temps Michel-Ange avec Dante
Et les vieux Florentins.

Fraternité des arts ! union fortunée !
Soirs dont le souvenir, même après mainte année,
Charmera le vieillard !
Lorsqu’enfin tariront ces délices ravies,
Que le sort, s’attaquant à de si chères vies
(Oh ! que ce soit bien tard),