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NOTES ET SONNETS.


Dis à l’oiseau de rouvrir l’aile :
Laisse de sillon en sillon
S’égarer la vive étincelle
Que l’on nomme le papillon.

Rends-nous ton chant rempli de flamme,
Ton chant rival du rossignol ;
Permets aux brises de ton âme
De nous embaumer dans leur vol.

Et, puisque tu le peux, ramène
Auprès de nous l’aimable cours
De la poétique fontaine
Que tu voudrais céler toujours.

Regarde : jamais dans ce monde
L’horizon ne fut moins serein ;
Jamais angoisse plus profonde
Ne tourmenta le cœur humain.

Les temps sont lourds, les temps nous pèsent ;
Que devenir sous ces linceuls,
Si les plus doux chanteurs se taisent,
Ou ne chantent que pour eux seuls ?

Si, dans la solitude aride,
Qui n’a ni calme ni saveur,
Il n’est pas un ruisseau limpide,
Il n’est pas un palmier sauveur ?

Oh ! viens, doux maître en rêverie,
Viens reprendre ton beau concert :
Ne reste pas, puisqu’on t’en prie,
À t’épanouir au désert.