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NOTES ET SONNETS.

On revient, côtoyant l’autre pan de colline,
Non plus par le grand pont, mais bien par la ravine :
Le bois superbe à gauche en lisière est laissé.
Plus d’un air pastoral en marchant commencé,
Des murmures de vers, de romances vieillies,
Exhalent l’âge d’or de nos mélancolies.
Et plus nous avançons et plus le jour nous fuit.
Sur le nant[1] desséché ce pont brisé conduit :
On s’effraie, on s’essaie, on a passé la fente :
On remonte, légers, la gazonneuse pente ;
Et le sommet gagné nous remet de nouveau
À la plaine facile où fleurit le hameau.
En avant, le Jura, dans sa chaîne tendue,
Des grands cieux qu’il soutient rehausse l’étendue ;
Une étoile se pose au toit de la maison ;
Il est nuit : et, si l’œil replonge à l’horizon,
Ce n’est plus que vapeurs vaguement dessinées
Et les Alpes là-bas dans l’ombre soupçonnées !

Eysins

SONNET


Non, je n’ai point perdu mon année en ces lieux :
Dans ce paisible exil mon âme s’est calmée ;
Une Absente chérie, et toujours plus aimée,
A seule, en les fixant, épuré tous mes feux.

  1. Nom du pays pour ruisseau.