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NOTES ET SONNETS.


À GEORGE SAND


J’avais au plus petit, au plus gai mendiant,
Au plus gentil de tous, chantant et sautillant,
Vrai lutin gracieux qui s’attache et se moque,
J’avais lâché, le soir en rentrant, un baïoque :
Et voilà qu’au matin, dès le premier soleil,
Quand Pestum espéré hâte notre réveil,
Voilà que dans la cour de l’auberge rustique,
Pareils à ces clients de l’opulence antique,
De petits mendiants, en foule, assis, couchés,
Veillaient, épiant l’heure et d’espoir alléchés.
Et quand le fouet claqua, lorsque trembla la roue,
Du seuil au marchepied quand notre adieu se joue,
Que de cris ! tous debout, grimpés, faisant tableau,
Demi-nus, fourmillant, gloire de Murillo !
Et nous courions déjà qu’il en venait encore,
Les cheveux blondissant dans un rayon d’aurore ;
Ils sortaient de partout, des plaines, des coteaux,
Allègres, voltigeant, et de plus loin plus beaux,
Rattachés d’un haillon à la Grèce leur mère,
Purs chevriers d’Ida, vrais petits-fils d’Homère,
Tous au son du baïoque accourus en essaim,
Comme l’abeille en grappe à la voix de l’airain.


Salerne.