Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/64

Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
POÉSIES

Captive, elle entend tout : en bruyante assemblée
On parle du voyage, et la marche est réglée,
Et le départ conclu ;

On s’envole ; ô douleur ! adieu plage fleurie,
Adieu printemps naissant de cette autre patrie
Si belle en notre hiver !
Il faut rester, subir la saison de détresse,
Et l’enfant sans pitié qui frappe et qui caresse,
Et la cage de fer.

C’est mon emblème, ami ;… mais si, comme un bon frère,
Du sein de ta splendeur à mon destin contraire
Tu veux bien compatir ;
Si tu lis en mon cœur ce que je n’y puis lire,
Et si ton amitié devine sur ma lyre
Ce qui n’en peut sortir ;

C’est assez, c’est assez : jusqu’à l’heure où, mon âme
Secouant son limon et rallumant sa flamme
À la nuit des tombeaux,
Je viendrai, le dernier et l’un des plus indignes,
Te rejoindre, au milieu des aigles et des cygnes,
Ô toi, l’un des plus beaux !