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NOTES ET SONNETS.

Emportant dans nos cœurs la voix des cascatelles,
La fraicheur et l’écho, ces nymphes immortelles.
Un peu las nous allions : le soleil trop ardent
S’était tantôt voilé du côté d’Occident,
Et larges sur les fleurs quelques gouttes de pluie
En faisaient mieux monter l’odeur épanouie.
Avec ses verts massifs, avec ses hauts cyprès
La villa d’Adrien nous conviait tout près :
Nous la voulûmes voir un moment, — mais à peine
Disions-nous ; la journée avait été si pleine
Et semblait ne pouvoir en nous se surpasser :
Nous la croyions finie, elle allait commencer.

On dit que dans ces lieux, au retour des voyages,
L’empereur Adrien, comme en vivantes pages,
En pierre, en marbre, en or, se plut à retenir,
À rebâtir égal chaque grand souvenir,
Alexandrie, Athène avec choix rassemblées,
Lacs, canaux merveilleux, Pœcile et Propylées,
Et tout ce qu’en cent lieux il avait admiré
Et qu’il revoyait là sous sa main enserré.

Mais, nous, ce n’était pas cette Grèce factice
Ni tous ces grands efforts de pompe et d’artifice
Qu’écroulés à leur tour et sous l’herbe gisants,
Nous allions ressaisir et refaire présents.
Nous les laissions dormir ces doctes funérailles ;
À peine nous nommions ces grands pans de murailles,
Mais sous leur flanc rougeâtre et du lierre couru,
Et qu’encor rougissait le soleil reparu,
Parmi ces hauts cyprès, ces pins à sombres cônes
Que le couchant coupait d’éblouissantes zones,
Devant ces fiers débris de l’art humain trompé
Devenus les rochers d’une verte Tempé