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NOTES ET SONNETS.


SONNET


La jeunesse est passée : un autre âge s’avance ;
J’en ai senti déjà les signes sérieux,
L’instant est solennel : fuyons loin de ces lieux !
L’Amour qui m’a laissé ne m’en fait plus défense.

Partons : dans le détroit où mon esquif se lance,
Il convient d’être seul pour de mornes adieux,
La main au gouvernail, l’œil au profond des cieux,
Le cœur ouvert et haut, pour tout voir en silence.

Des rivages aimés les derniers sont venus ;
Ils passent ; c’est l’entrée aux grands flots inconnus.
À de tels horizons il est temps de se faire.

Naples, Rome, en passant à peine je vous vois ;
Mais, vous entrevoyant, que mes pleurs quelquefois
Coulent plus adoucis sur ma ride sévère !


SUR LA SAONE,

en voyant une jeune femme à sa fenêtre


Au bord de ce balcon, quelle vie ennuyée
Demande au flot qui passe un bonheur qui n’est pas ?