Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/621

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
NOTES ET SONNETS.


Le bois, sans feuille encor, mais d’un bourgeon doré,
Jette l’ombre à nos pas sur le sol éclairé,
Et d’un réseau qui tremble y berce la lumière.


À LA MUSE


Florem… bene olentis anethi.
Virgile.


Pauvre muse froissée, insultée, avilie,
Pauvre fille sans fard qu’en humble pèlerin
Devant eux j’envoyais pour chanter sans refrain,
Oh ! reviens à mon cœur poser ton front qui plie[1].

Ils ne t’ont pas reçue, ô ma chère folie,
Oh ! plus que jamais chère ; apaise ton chagrin !
Ton parfum m’est plus doux, par ce jour moins serein,
Et l’abeille aime encor ta fleur désembellie.

Un sourire immortel à la terre accorda
Hyacinthe, anémone et lis, et toutes celles
Qu’Homère fait pleuvoir aux pentes de l’Ida.

Même aux champs, sur la haie, il en est de bien belles ;
Blanche-épine au passant rit dans ses fleurs nouvelles ;
Mais la mieux odorante est l’obscur réséda.


  1. Théocrite, parlant de ses propres muses et grâces repoussées, dans la pièce intitulée Les Grâces ou Hiéron, nous les représente au retour tristement assises, la tête pendante entre leurs genoux tout froids :
    ψυχροῖς ἐν γονάτεσσι κάρη μίμνοντι βαλοῖσαι.