Page:Sainte-Beuve - Poésies 1863.djvu/615

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
293
NOTES ET SONNETS.


Et, si je n’en rends le sauvage,
J’en sens du moins le douloureux.



LE BRIGAND

imité d’Uhland


Un jour (en mai) de fête et de lumière,
Au front du grand bois éclairci,
Sortit le Brigand ; et voici
Qu’au chemin creux, sous la lisière,
Jeune fille passait sans rien voir en arrière.

« Oh ! pisse ainsi ! quand ton panier de mai,
Au lieu de fraîches violettes,
Tiendrait joyaux, riches toilettes,
Quel sentier te serait fermé ? »
Pensait le dur Brigand au front sombre allumé.

Et son regard aux fortes rêveries
Suit longtemps et va protéger
La jeune fille au pas léger
Qui déjà gagne les prairies
Et glisse blanche au loin le long des métairies ;

Tant qu’à la fin, une haie au détour
Couvrant la blancheur de la robe,
L’aimable forme se dérobe…
Pourtant le Brigand, à son tour,
Rentre à pas lents au bois, sous ses sapins sans jour.