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PENSÉES D’AOÛT.

Toujours l’idée en moi renaît pure et nouvelle :
Sur un front de quinze ans la chevelure est belle ! »



J’ai souvent essayé de l’élégie, et j’en ai fait de bien des sortes. En voici une que je crois pouvoir détacher d’une suite où elle était tout à fait à sa place, pour la présenter ici comme échantillon d’un genre assez nouveau : à la fois tendresse et pureté, et réalité toujours. C’est ainsi que j’essayais de pratiquer, dans mes cadres moyens, la poétique précédemment développée dans l’Épître à M. Villemain.


Elle me dit un jour ou m’écrivit peut-être :
« Ami, tâchez pour moi de voir et de connaître
« Ces pauvres gens, ici nommés, dont on m’apprend
« Détresse, maladie, un détail déchirant.
« Allez, car dans ma vie et si pleine et si close
« Je ne puis : mais sur vous, Ami, je m’en repose. »

Et j’allai, je courus avant le lendemain ;
Amour et charité n’étaient qu’un dans mon sein.
Je sus ce que c’était d’avoir au cœur des ailes,
Et tout ce qu’on nous dit des tendresses si belles
Pour les pauvres du Christ ; les chercher, se hâter ;
Demander d’être esclave afin de racheter ;
Prendre un enfant infirme, un vieillard las de vivre ;
Partager un fumier avec ceux qu’on délivre ;
Oh ! oui, je conçus tout, et dans l’instant, mon Dieu,
De mon flambeau chéri je reçus tout ton feu !
Oh ! pardonne, et ton Christ me pardonna, j’espère,
Car à Toi, car à Lui, dans l’instant salutaire,
Je fis tout remonter, et le divin éclair,