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PENSÉES D’AOÛT.


LA FONTAINE DE BOILEAU[1]

ÉPÎTRE
À MADAME LA COMTESSE MOLÉ


Dans les jours d’autrefois qui n’a chanté Bâvil’e ?
Quand septembre apparu délivrait de la ville
Le grave Parlement assis depuis dix mois,
Bâville se peuplait des hôtes de son choix,
Et, pour mieux animer son illustre retraite,
Lamoignon conviait et savant et poëte.
Guy Patin accourait, et d’un éclat soudain
Faisait rire l’écho jusqu’au bout du jardin,
Soit que, du vieux Sénat l’âme tout occupée,
Il poignardât César en proclamant Pompée,
Soit que de l’antimoine il contât quelque tour.
Huet, d’un ton discret et plus fait à la Cour,
Sans zèle et passion causait de toute chose,
Des enfants de Japhet, ou même d’une rose.
Déjà plein du sujet qu’il allait méditant,
Rapin[2] vantait le parc et célébrait l’étang.
Mais voici Despréaux, amenant sur ses traces
L’agrément sérieux, l’à-propos et les grâces.

  1. Il est indispensable, en lisant la pièce qui suit, d’avoir présente à la mémoire l’Épitre VI de Boileau à Lamoignon, dans laquelle il parle de Bâville et de la vie qu’on y mène.
  2. Auteur du poëme latin des Jardins : voir au livre III un morceau sur Bâville, et deux odes latines du même. Voir aussi Huet, Poésies latines et Mémoires.