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DE JOSEPH DELORME

Tu me recueillis du naufrage,
Errant sans voile, et sous l’orage
Ramant avec des bras lassés.

Oh ! qu’alors défaillait mon âme !
Combien de fois en ces moments
Je souhaitai laisser la rame,
Et, roulant au gré d’une lame,
Rendre ma vie aux éléments !

Mais l’Espérance aux vœux timides
Me tendit la main près du bord ;
Je baisais les sables humides,
J’embrassais les rochers arides,
Heureux de vivre et d’être au port.

Moins doux est à la jeune épouse
Le lit où vont couler ses pleurs :
Moins douce est la verte pelouse
Qui, loin de la foule jalouse,
Cache deux amants sous les fleurs.

Pourtant ce n’est pas une plage
Où croit le myrte, l’oranger ;
Ce n’est pas l’onde avec l’ombrage,
Des colombes dans le feuillage,
Des alcyons qu’on voit nager ;

Ni l’aspect gracieux de l’anse
Qui prête son charmant abri
À la nacelle où se balance,
De longues heures, en silence,
Baïa, ton poëte chéri.