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PENSÉES D’AOÛT.


Ce que je n’ai pas dit à la montagne austère,
À la chapelle, au lac qui m’a laissé mon deuil,
Mes Amis, je le dis à l’ombre salutaire,
Au foyer domestique, au cordial accueil,

Aux vertus du dedans, partout, toujours possibles,
Au bonheur résigné, sobre et prudent trésor,
Au devoir modérant les tendresses sensibles :
Amis, en vous quittant, — Salut ! je crois encor !

Aigle.

À MADAME V.


Jamais je n’ai couru lacs, montagnes et plaines,
Ou les hameaux épars, ou les cités si pleines,
Tant d’échos où de nous nul bruit ne retentit,
Sans mieux sentir en moi, d’impression profonde,
Combien grand est le monde,
Combien l’homme petit !

Je n’ai jamais, de près, vu la ville où je passe,
Les secrets coins du monde où le hasard me chasse,
Sans admirer leur prix hors de nos vains débats,
De tant d’esprits divers sans saluer le nombre,
Plus solides dans l’ombre
Et qu’on ne saura pas.

Je n’ai jamais vécu d’hospitalière vie,
Pèlerin de passage, au toit qui me convie,
Sans éprouver qu’il est encor de bonnes gens,