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PENSÉES D’AOÛT.


La grandeur héroïque à ces rochers gravée,
L’escarpement du lac à ce glorieux bord,
La liberté fidèle et sans bruit conservée,
Sincère comme au jour de son antique effort ;

Sur ces flots que l’histoire ou la Muse renomme,
Un beau ciel rayonnant où l’orageux éclair ;
Les lieux solennisant les souvenirs de l’homme,
Homme et lieux égalés par la voix de Schiller ;

Tout, oui, tout, poésie, héroïsme et nature,
Me promettait de loin un sublime secours ;
Peut-être il me prendrait une espérance pure,
Un magnanime essor comme en mes nobles jours.

Peut-être, à tous ces vœux d’humanité plus grande,
Dont le rêve, si cher, de près s’en est allé,
J’allais rouvrir enfin un cœur qui les demande,
Qui, jeune, les reçut, et que rien n’a souillé.

Peut-être, en ces beaux flots noyant toute tristesse,
Sur cet intègre autel écoutant l’avenir,
J’allais, au vent qui chasse intrigue et petitesse,
Aspirer le saint but qu’on ne pourra ternir.

Peut-être, aux fiers serments pour cette cause aimée
J’allais redire encor : Ce n’était pas en vain !
Ce qui se joue ailleurs n’est que bruit et fumée,
N’est que boue et poussière : atteignons à la fin !

Et j’ai touché ces lieux de si sévère attente,
J’ai vu leur grandeur simple, et j’ai tout admiré ;
Mais rien qu’eux n’a brillé dans mon âme éclatante,
Et mon passé plutôt, tout d’abord, a pleuré.