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POÉSIES

Que d’ineffables mots, mille ardeurs empressées,
Mille refus charmants gravent dans vos pensées
L’aveu du premier jour !

Et moi qui la verrai revenir solitaire,
Passer près de sa mère, et rougir, et se taire,
Et n’oser regarder ;
Qui verrai son beau sein nager dans les délices,
Et de ses yeux brillants les humides calices
Tout prêts à déborder ;

Comme un vieillard témoin des plaisirs d’un autre âge,
Qui sourit en pleurant et ressent moins l’outrage
De la caducité,
Me laissant un instant ravir à son ivresse,
J’adoucirai ma peine et noierai ma tristesse
En sa félicité.


ADIEUX À LA POÉSIE


Rivage où ma frêle carène
Avait fui pour ne plus sortir,
Au large le flot me rentraîne ;
Mon penchant sur tes bords m’enchaîne ;
Faut-il rester ? faut-il partir ?

Un soir (à peine, à doux rivage,
Deux printemps sont depuis passés)