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PENSÉES D’AOÛT.

Du coteau plus sévère et trop vite quitté,
Puis de sa chère enfant au retour du voyage !

Je la voyais au cœur sur ce lac transparent,
Aimant tout ce qu’on aime en la vie en entrant ;
Confiante jeunesse, admirante et sereine !

Mon regard aux coteaux glissait moins attaché ;
Et, tous ces sentiments accompagnant la scène,
Les lieux furent plus beaux, — je revins plus touché.


À L’ABBÉ EUSTACHE B…[1] (barbe)


A blessed lot hath he…
Coleridge, Sybilline leaves.


Il est trois fois béni, celui qui dans sa ville,
En province resté, comme au siècle tranquille,
Y grandit, y mûrit, intègre et conservé ;
Dans la même maison qui l’avait élevé
Devient maître, puis prêtre en cette église même
Où sa communion se fit, et son baptême.
Il n’a pas tour à tour de tout astre essayé ;
Chaque vent ne l’a pas tour à tour balayé.
Non qu’il ignore au fond la vie et la tempête :
L’écume aussi peut-être a passé sur sa tête ;
Mais il est au rocher. À vouloir trop ramer
Sur ces flots inconstants que Christ seul peut calmer,
Il n’a pas défailli, ni bu, dans sa détresse,

  1. L’abbé Barbe, de Boulogne-sur-Mer, longtemps professeur de philosophie dans la maison de M. Haffreingue.