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PENSÉES D’AOÛT.


Ah ! c’est depuis ce temps, même depuis l’automne,
Quand la fête est ailleurs, quand l’astre pâle a lui,
Quand tout débris sauvé, toute chère couronne,
Au souvenir sacré se confond aujourd’hui ;

Lorsque causant des morts, des amitiés suprêmes,
Dans ce salon discret, le soir, à demi-voix,
Pour Vous qui les pleurez, pour les jeunes eux-mêmes,
Le meilleur du discours est sur ceux d’autrefois,

C’est seulement alors, qu’assurée avec grâce,
Recouvrant les douleurs d’un sourire charmant,
Vous acceptez la vie, et, repassant sa trace,
Vous lui pardonnez mieux qu’aux jours d’enchantement.

Le dévouement plus pur, l’amitié plus égale,
Les mêmes, quelques-uns, chaque fois introduits,
Le bienfait remplissant chaque heure matinale,
Le génie à guérir, à sauver des ennuis ;

Au soir, quelque lecture ; aux jours où l’on regrette,
Un chant d’orage encor sur un clavier plus doux ;
Puis l’entretien que règle une muse secrète,
Tout un bel art de vivre éclos autour de vous :

Sur le mal, sur le bien, sur l’amour ou la gloire,
Sur tout objet, cueillir un rayon adouci,
En composer un mieux, à quoi vous voulez croire,
Voilà, voilà votre art, votre bonheur aussi !

Aimez-le, goûtez-en la pâleur inclinée ;
Il fuyait ce bain grec où nous vous admirons.
— Rappelons-nous l’aveu de la plus fortunée,
Mortels, sous tant de jougs où gémissent nos fronts !