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PENSÉES D’AOÛT.


Au parvis étoilé, d’où transpire et s’exhale
Par les secrets d’un art, magicien flatteur,
Quelque encens merveilleux, quelque rose, rivale
Des roses du buisson à naïve senteur ;

Simple, et pour tout brillant, dans l’oubli d’elle-même,
À part ce blanc de lis et ces contours neigeux,
N’ayant de diamant, d’or et de diadème,
Que cette épingle en flèche attachant ses cheveux ;

N’ayant que ce dard-là, cette pointe légère,
Pour dire que l’abeille aurait bien son courroux,
Et pour nous dire encor qu’elle n’est pas bergère,
Un cachemire à fleurs coulant sur ses genoux ;

Sans miroir, sans ennui, sans un pli qui l’offense,
Sans rêve trop ému ni malheur qu’on pressent,
Mêlant un reste heureux d’insouciante enfance
À l’éclair éveillé d’un intérêt naissant ;

Qu’a-t-elle, et quelle est donc, ou mortelle ou déesse,
Dans son cadre enchanté de myrte et de saphir,
Cette élégante enfant, cette Hébé de jeunesse,
Hébé que tous les Dieux prendraient peine à servir ?

Elle est trouvée enfin la Psyché sans blessure,
La Nymphe sans danger dans les bains de Pallas ;
C’est Ariane heureuse, une Hélène encor pure,
Hélène avant Pâris, même avant Ménélas !

Une Armide innocente, et qui de même enchaine ;
Une Herminie aimée, ignorant son lien ;
Aux bosquets de Pestum une jeune Romaine
Songeant dans un parfum à quelque Émilien !