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PENSÉES D’AOÛT.


Les vers qui suivent auraient pu être imprimés à la fin du livre Volupté, auquel ils se rapportent ; mais je les crois mieux à part et ici. Il convient toutefois, pour les bien comprendre, de ne les lire qu’après s’être rappelé les dernières pages de cette longue confidence. L’ami prêtre adressait d’Amérique son histoire et ses conseils à son ami plus jeune. C’est celui-ci qui, ayant reçu, à le mort de l’autre, l’écrit, probablement légué, y répond en ces vers.


J’ai reçu, j’ai reçu les émouvantes pages,
Aveux, confessions, échos des ans moins sages, !
Souvenirs presque miens, retrouvés et relus !
Mais quand je les lisais, Ami, vous n’étiez plus !

Vous me les écriviez, songeant à ma jeunesse,
À mon âge d’alors, à mon ciel enflammé,
Quand le nuage errant, sous un air de promesse,
Cache et porte bientôt notre avenir formé,

Quand tout jeune mortel, montant son mont Albane
Ou sa bruyère en fleurs, le regard plein d’essor,
À ses pieds l’Océan ou les lacs de Diane,
Pleure à voir chaque soir coucher les soleils d’or !

Vous vouliez avertir la fleur avant l’orage,
Dire au fruit l’heure et l’ombre, et le midi peu sûr ;
Vos rayons me cherchaient sous mon plus vert ombrage,
Mais, quand ils sont venus, voilà que j’étais mûr.

Hélas ! je ne suis plus celui du mont Albane,
Celui des premiers pleurs et des premiers désirs ;
Quelques printemps de trop ont usé les plaisirs.