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PENSÉES D’AOÛT.


À ceux-là, revenus par fatigue au bonheur,
Il faudrait oser dire : Échauffez votre cœur,
Animez-y toute étincelle
Sans vous appesantir au bien-être, au repos,
Ressaisissez la foi, rallumez les flambeaux
Qui feront votre âme nouvelle !

Il faudrait replonger au matin de leurs jours
Ces pèlerins lassés d’inconstantes amours,
Les rendre aux plus fraîches haleines,
Et, franchissant d’un bond l’intervalle aboli,
Renouer, s’il se peut, par effort, par oubli,
Heures croyantes et sereines.

Mais à vous, chier Pavie, en ces jours couronnés,
À vous, jeune homme intègre, aux épis non fanés
Qu’un vif août échauffe et dore,
Qui brillent au regard et sonnent sous la main,
Tels que naguère au front du moissonneur romain
Léopold[1] les faisait éclore ;

À vous, fidèle en tout au devoir ancien,
Fidèle à chaque grain du chapelet chrétien,
Bien qu’amant des jeunes extases ;
Qui sûtes conserver en votre chaste sein
Passion, pureté, douceur, l’huile et le vin,
Comme à l’autel dans les saints vases ;

À vous un mot suffit ; pour tous conseils, pour chants,
Pour nuptial écho de tant de vœux touchants,
Ami, c’est assez de vous dire :
Apaisez votre cœur, car vous avez trouvé
Le seul objet absent, le bien longtemps rêvé,
Longtemps votre vague martyre !

  1. Léopold Robert, qui venait de mourir.