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PENSÉES D’AOÛT.

Un sentier que connaît la faneuse hâlée ;
Vous y marchez souvent le long des blés mûris.

Seule à promener là votre grâce élevée,
Chaque jour vous suivez la trace conservée,…
Passé… longs souvenirs ;… printemps à Saint-Germain !

Et si, dans le château, quelqu’un soudain réclame
Votre bonne présence : « Où donc trouver Madame ? »
— « Madame, oh ! dit chacun, elle est dans son chemin. »


II


Ainsi l’on dit de vous, Madame, ainsi vous êtes,
Fidèle au souvenir, aux traces de vos pas,
Aimant ce qu’on retrouve et qui ne change pas,
Plus attentive après chaque hiver et ses fêtes !

Oh ! dans nos jours douteux d’ennuis et de tempêtes,
Où tout crie et s’égare et se mêle en combats ;
Où, si l’on ne meurt vite, on dérive plus bas :
Où le vent à plaisir fait ondoyer les têtes ;

Temps d’éclipse divine et de murmure humain !
En cette heure avant l’aube, où même tout génie
Change trois fois de route et trois fois se renie.

Oh ! qui donc, mariant la veille au lendemain,
Si fermement tiendra sa destinée unie,
Que, sans le voir, on dise : « Il est dans son chemin ! »