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PENSÉES D’AOÛT.

J’ouvre à quelques absents mon cœur qui se souvient.
En ce calme profond votre exemple revient.
N’aura-t-on pas aussi sa journée et son heure,
Sa ligne infranchissable entre un passé qu’on pleure
Et le pur avenir, son effort devant Dieu
Pour sortir de la foule et de tout ce milieu ?
— Et, marchant, un vent frais m’anime le visage ;
Le ciel entier couvert s’étend d’un seul nuage :
Le fond bleu s’entrevoit par places, mais obscur,
Presque orageux, si l’œil n’y devinait l’azur.
Sous ce rideau baissé, sous cette vive haleine,
À l’heure du couchant je traverse la plaine,
Côtoyant le long bois non encore effeuillé…
Et tout parle d’exil et de bonheur voilé.


Précy, 12 octobre.

SONNETS


À MADAME LA D. DE R. (LA DUCHESSE DE RAUZAN.)


I

Au Thil où vous aimez passer les mois fleuris,
Mois de fuite du monde et de vie isolée,
Pour vous, dans tout le parc, il n’est rien qu’une allée,
Haute et droite et touffue, ombrages favoris ;

Et par de la l’allée au vert et haut pourpris,
Dans la campagne il est, bien humble et sans feuillée,