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PENSÉES D’AOÛT.

Dieu d’amour ! Dieu clément ! il eut pourtant des heures
Que ton ciel agrandi lui renvoya meilleures ;
Où, sa religion et sa foi demeurant,
Son cœur justifié redevint espérant
Pour l’avenir, pour tous, pour ce grand mort lui-même !
Sur la création s’apaisait l’anathème.
Un mois avant sa fin, à la Saint-Jean d’été,
Doux saint que son école avait toujours fêté,
Il la voulut, joyeuse, emmener tout entière,
Et pour longue faveur qu’il jugeait la dernière,
Au parc d’Ermenonville, à ce beau lieu voisin.
Cette fête riante avait son grand dessein.
Deux heures suffisaient, même en lourd attelage :
On partit à l’aurore, et sous le plein feuillage ;
En ordre, à rangs pressés, tous les enfants assis
S’animaient aux projets, bourdonnaient en récits,
Et, malgré le bedeau dont la tâche est prudente,
Atteignaient, secouaient chaque branche pendante,
Et par eux la rosée allait à tous instants
Sur le vierge vieillard aux quatre-vingts printemps.
Sitôt du chariot la bande descendue,
À l’avance réglée, une messe entendue
(Vous devinez l’objet et pour l’âme de qui)
Bénit et confirma ce jour épanoui.
Et monsieur Jean pleurait, tressaillait d’espérance,
Songeant pour qui ces cœurs demandaient délivrance,
Essaim fidèle encor, qui, priant comme il faut,
Concourait sans savoir au sens connu d’en haut.
La messe dite, seul, et l’âme plus voilée,
Dans l’île il voulut voir le vide mausolée,
Défendant aux enfants tout le lac alentour.
Mais, revenu de là, pour le reste du jour
Il ne les quitta plus, et se donna l’image
De leur entier bonheur. Les jardins sans dommage