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PENSÉES D’AOÛT.

Ce blond sourcil avance, et ce léger coton
N’amollit que de peu la vigueur du menton.
Ses longs cheveux de lin sont d’un catéchumène ;
Mais sa taille bondit et chasserait le renne.
Tel il est à vingt ans ; tel debout je le vois,
Quand, après des conseils roulés depuis des mois,
La Présidente, émue autour de cette histoire,
Un matin l’appelant seul dans son oratoire,
Lui dit :

Lui dit : « Dieu, mon enfant, sur vous a des desseins ;
« Ses circuits prolongés marquent certaines fins ;
« C’est à vous tout à l’heure à trouver ce qu’il cache.
« Mais il faut pour cela qu’un dur aveu m’arrache
« Ce que je sais de vous en pure vérité,
« De qui vous êtes fils ! j’ai longtemps hésité ;
« Mais il me semble, hélas ! que, sans être infidèle,
« Sans injure et larcin pour votre âme si belle,
« Je ne puis plus en moi dérober le dépôt,
« Dût l’amertume en vous déborder aussitôt !
« Vous êtes désormais d’âge d’homme ; vous êtes
« Un chrétien affermi, capable des tempêtes.
« Dans le premier tumulte où ce mot vous mettra,
« Priez et demeurez ; l’Esprit vous parlera.
« Que tout se passe au fond en sa seule présence,
« Entre votre frayeur et sa toute-puissance,
« Entre sa Grâce entière et votre abaissement !
« Il vous a jusqu’ici, comme visiblement,
« Préparé de tous points, choisi hors de la route
« Dans un but singulier, qui n’attend plus sans doute,
« Pour s’éclairer à vous, que le soudain rayon
« À qui va donner jour l’ébranlement d’un nom.
« À genoux, mon enfant ! et que Dieu vous suggère
« Un surcroît de faveurs, pauvre âme moins légère,