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POÉSIES


LE SUICIDE[1]


Quand Platon autrefois, saisi d’une ardeur sainte,
Du haut du Sunium, et par delà l’enceinte
De l’immense horizon,
Aux disciples, en cercle assemblés pour l’entendre,
Montrait du doigt ce monde où notre âme doit tendre
Et que voit la Raison ;

L’un d’eux, tout enivré des paroles du maître,
Désormais ne pouvant du terrible peut-être
Porter l’anxiété,
Pour finir un tourment que chaque instant prolonge,
Monte sur un rocher, s’en précipite, et plonge
Dans l’immortalité.

Par un désir moins pur, par un moins beau délire,
Désenchanté de vivre, et fatigué de lire
Au livre d’ici-bas,

  1. Cette pièce s’est trouvée depuis insérée (sans qu’on s’explique comment) dans les Poésies posthumes d’Imbert Galloix (Genève, 1854) : nous la maintenons à Joseph Delorme. Il suffirait d’en remarquer les rimes scrupuleuses et presque superstitieuses d’exactitude, pour y reconnaître le nouveau converti à la rime ; Galloix n’a pas du tout le même système. Une strophe, chez lui, a été altérée ; c’est celle où Charle est à la fin du vers. Comme, dans sa version, le nom d’Arthur a été substitué partout à celui de Charles, il lui a fallu changer à cet endroit deux vers, et, si l’on compare, il est évident, par la faiblesse et l’impropriété des termes, que l’altération est de son côté. Le nom de Charles qui se trouve dans la pièce de Joseph Delorme n’est autre que le nom même du très-humble éditeur. On insiste à regret ; mais il faut se mettre en garde contre les injurieux soupçons des Saumaise futurs ; cette pauvre madame Des Houlières a bien été accusée d’avoir volé ses Moutons.