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DE JOSEPH DELORME

AU LOISIR


Loisir, où donc es-tu ? le matin, je t’implore ;
Le jour, ton charme absent me trouble et me dévore ;
Le soir vient, tu n’es pas venu ;
La nuit, j’espère enfin veiller à ta lumière ;
Mais déjà le sommeil a fermé ma paupière,
Avant que mes yeux t’aient connu.

Loisir, es-tu couché sur quelque aimable rive,
Au bord d’un antre frais, près d’une onde plaintive
Te montres-tu sous le soleil ?
Ou de jour, abusant Psyché qui se lamente,
Ne descends-tu jamais aux bras de ton amante
Que sur les ailes du Sommeil ?

Sylphe léger, ton vol effleure-t-il la terre,
À l’heure de silence, où Phébé solitaire
Visite un berger dans les bois ?
As-tu fui pour toujours par delà les nuages ?
Et dans les cœurs épris de tes vagues images
N’es-tu qu’un rêve d’autrefois ?

Loisir, entends mes vœux : sur le lac de la vie
Errant depuis un jour, et déjà poursuivie
Des flots et des vents courroucés,
Au milieu des écueils, sans timon, sans étoiles,
Ma nef m’emporte et fuit ; j’entends crier mes voiles,
Et mes jeunes bras sont lassés.