Il est amer et triste, à l’heure où son cœur prie,
Et dans l’effusion des plus secrets moments,
D’entendre à ses côtés les pleurs de la patrie,
Des clameurs de colère et des gémissements ;
Il est dur que toujours un destin nous rentraîne
Aux civiques combats qu’on croyait achevés,
De voir aux passions s’ouvrir encor l’arène
Et s’enfuir la concorde et le bonheur rêvés !
Rien qu’à ce seul penser, tout ce qu’en moi j’apaise
Est prêt à s’irriter ; la haine me reprend ;
Et pour qui veut guérir, toute haine est mauvaise ;
Et pourtant je ne puis rester indifférent !
Oh ! meurent les soupçons ! oh ! Dieu nous garde encore
De ces duels armés entre un peuple et son Roi !
Sous les soleils d’Août dont la chaleur dévore,
Le sang bouillonne vite, et nul n’est sûr de soi[1].
J’ai, dès mes jeunes ans, palpité pour la France ;
À l’aigle du tonnerre, enfant, je m’attachai ;
Loin des jeux, l’œil en pleurs, le suivant avec transe,
Quand il tomba du ciel, longtemps je le cherchai.
Waterloo me noya dans des larmes amères ;
Mes nuits se consumaient à recréer ces temps,
Ces temps si glorieux, si détestés des mères,
Et dont, moi, j’avais vu les spectacles flottants.
- ↑ Ceci a été écrit sous le ministère Polignac ; le volume parut vers mi-mars 1830. Le poëte, en pronostiquant le danger des soleils d’Août, ne s’était trompé, dans son présage sur la révolution de Juillet, que de bien peu de jours.