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LES CONSOLATIONS.

Tant nous ne faisons qu’un : tant mon âme éplorée
Comme en un saint refuge en ta gloire est entrée !

Octobre 1829.


XIX

À MON AMI BOULANGER


Ami, te souviens-tu qu’en route pour Cologne,
Un dimanche, à Dijon, au cœur de la Bourgogne,
Nous allions, admirant portails, clochers et tours,
Et les vieilles maisons dans les arrière-cours ?
Une surtout te plut : — au dehors rien d’antique ;
Un barbier y logeait et l’avait pour boutique ;
Aux murs grattés et peints, pas un vestige d’art,
Pour dire à l’étranger qui chemine au hasard,
D’entrer ; — mais entrait-on par une étroite allée,
Alors apparaissait la beauté recélée,
Une façade au fond travaillée en bijou,
Merveille à faire mettre en terre le genou,
Fleur de la Renaissance. — Oh ! dans la cour obscure
Quand tu vis, en entrant, luire cette sculpture,
Saillir ces bas-reliefs nés d’un ciseau divin,
Et tout cela si pur, si naïf et si fin,
Oh ! que ton cœur bondit ! Croisant sur ta poitrine
Tes bras, levant ce front où la pâleur domine,