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POÉSIES

Au musical accent de sa voix calme et pure,
Vers un plus frais matin je croyais rajeunir.

Oh ! combien je l’aimais ! et c’était en silence !
De son front virginal arrosé de pudeur,
De sa bouche où nageait tant d’heureuse indolence,
Mon souffle aurait terni l’éclatante candeur.

Par instants j’espérais. Bonne autant qu’ingénue,
Elle me consolait du sort trop inhumain ;
Je l’avais vue un jour rougir à ma venue,
Et sa main par hasard avait touché ma main.

Que de fois, étalant une robe nouvelle,
Naïve, elle appela mon regard enivré,
Et sembla s’applaudir de l’espoir d’être belle,
Préférant le ruban que j’avais préféré !

Ou bien, si d’un pinceau la légère finesse
Sur l’ovale d’ivoire avait peint ses attraits,
Le velours de sa joue, et sa fleur de jeunesse,
Et ses grands sourcils noirs couronnant tous ses traits ;

Ah ! qu’elle aimait encor, sur le portrait fidèle
Que ses doigts blancs et longs me tenaient approché,
Interroger mon goût, le front vers moi penché,
Et m’entendre à loisir parler d’elle près d’elle !

Un soir, je lui trouvai de moins vives couleurs :
Assise, elle rêvait : sa paupière abaissée
Sous ses plis transparents dérobait quelques pleurs ;
Son souris trahissait une triste pensée.

Bientôt elle chanta ; c’était un chant d’adieux.
Oh ! comme, en soupirant la plaintive romance,