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LES CONSOLATIONS.

Et qu’il garda toujours souvenir du digne homme.
Or le révérend John Kirkby, comme il le nomme,
À son élève enfant a souvent raconté
Qu’ayant vécu d’abord, dans un autre comté,
— Le Cumberland, je crois, — en été, solitaire,
Volontiers il allait, loin de son presbytère,
Rêver sur une plage où la mer mugissait ;
Et que là, sans témoins, simple il se délassait
À contempler les flots, le ciel et la verdure ;
À s’enivrer longtemps de l’éternel murmure ;
Et quand il avait bien tout vu, tout admiré,
À chercher à ses pieds sur le sable doré,
Pour rapporter joyeux, de retour au village,
À ses enfants chéris maint brillant coquillage. —
Un jour surtout, un jour qu’en ce beau lieu rêvant,
Assis sur un rocher, le pauvre desservant
Voyait sous lui la mer, comme un coursier qui fume,
S’abattre et se dresser, toute blanche d’écume ;
En son âme bientôt par un secret accord,
Et soit qu’il se sentit faible et seul sur ce bord,
Suspendu sur l’abîme ; ou soit que dans cette onde
Il crût voir le tableau de la vie en ce monde ;
Soit que ce bruit excite à tristement penser :
— En son âme il se mit, hélas ! à repasser
Les chagrins et les maux de son humble misère ;
Qu’à peine sa famille avait le nécessaire :
Que la rente, et la dime, et les meilleurs profits
Allaient au vieux Recteur, qui n’avait point de fils ;
Que, lui, courait, prêchait dans tout le voisinage,
Et ne gagnait que juste à nourrir son ménage ;
Et pensant de la sorte, au bord de cette mer,
Ses pleurs amèrement tombaient au flot amer.

Ce fut très-peu de temps après cette journée,