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POÉSIES


Taisons l’Infamie abhorrée
Creusant sa livide maigreur ;
Laissons la Manie à l’entrée
Du bouge où hurle la Fureur ! —
Cet habile, une fois sincère,
A compris vite ; il se resserre,
Il se pousse au jeu du puissant.
Celui que le myrte convie
Bientôt le gâte et met sa vie
Sous quelque joug avilissant.

La dose une fois exhalée
De notre encens mystérieux,
Cette blonde nue envolée
Que dorait un rayon des cieux,
Tout pâlit ; l’autel se dépare :
L’amour heureux (accord si rare !)
N’a plus son hymne et son honneur.
Printemps enfui ! douleur sacrée !
Ah ! cachons ma ride altérée,
Qui sourit sans grâce au bonheur !

Chacun souffre : un cri lamentable
Dit partout l’homme malheureux,
L’homme de bien pour son semblable,
Et les égoïstes pour eux.
Ce fruit aride des années,
Qu’à nos seules tempes fanées
Un œil jaloux découvrirait,
Ce fond de misère et de cendre,
Enfants, faut-il donc vous l’apprendre,
En faut-il garder le secret ?

Le bonheur s’enfuit assez vite,