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POÉSIES

De saint Janvier à Naple il apporte le sang ;
Naple, demi-couchée, a l’air reconnaissant ;
Mais Sirènes surtout et Naïades légères
Redoublent dans le fond leurs rondes bocagères.
Ô Nymphes, dénouez et renouez vos pas,
Car ce sang précieux ne vous gênera pas.

Le second faune.

Dans l’église à Salerne, il est un sarcophage,
Dont la pierre égayée, en sa parlante image,
Dit assez l’origine et que c’est notre bien :
Cortége de Bacchus, des pampres pour lien,
Tous les bras enlacés, sur les fronts des corbeilles,
Tous les pieds chancelants comme au sortir des treilles,
Et le dieu jeune et beau, qui lui-même a trop bu,
Porté comme on eût fait un Silène barbu.
Or, sur le sarcophage, et pour bénir la chose,
Quelque Saint, pris ailleurs, en couvercle se pose,
Et l’autre jour je vis devant ce gai tombeau,
Devant ce frais Bacchus, vainqueur toujours nouveau,
Une vieille à genoux, plus d’une heure en prière,
Et baisant par respect chaque image à la pierre.

Paganisme immortel, es-tu mort ? on le dit :
Mais Pan tout bas s’en moque, et la Sirène en rit.

— Et les rires d’aller, quand la cloche bénite,
Au premier son d’Ave, les fit fuir au plus vite.