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DE JOSEPH DELORME.

Le buisson s’épaissit d’une fleur longtemps close,
Qui ne se penche qu’en dedans.

Hélas ! et bien souvent en vain elle se penche,
Car Celle qui devait à temps la respirer,
Craintive, ne vient pas, et la rose trop blanche
Aura passé sans enivrer.

Poésie odorante, immobile et pâlie !
Berceau tout d’épaisseur, et d’ombre, et de gazon !
Blancheur que nul zéphyr n’essuie et ne déplie !
Rosée où ne boit nul rayon !

Oh ! puisse-t-il un jour, si chéri dans son ombre,
Berceau qui nous aura, tous deux, si peu reçus,
Sous ses rameaux baissés, toujours clos au grand nombre,
Mais des vrais amants aperçus,

Puisse-t-il immortel, dans sa fleur encor rare,
Peindre aux tendres heureux nos noms avec honneur,
Et par nos chants si doux sous le sort qui sépare,
Leur dire d’aimer leur bonheur !