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DE JOSEPH DELORME.

Ces mots plus sérieux qui s’annonçaient d’abord,
Écrits à certains soirs tout près d’un lit de mort,
Et d’où, pour épurer ce qui tient à la terre,
Un éclair m’arrivait du terrible mystère ;
Ces bons propos souvent quand j’étais affligé,
Cette plainte parfois si je semblais changé ;
Mais surtout la douceur de ce courant que j’aime,
Ce flot continuel, la belle âme elle-même ;
Quoi ? tous ces chers trésors, à peine dévoilés,
Voilà que je les perds, et vous m’en consolez !
Même en les retirant, vous savez me les rendre
Par le plus chaste gage et non pas le moins tendre ;
Je les pleure, et pourtant je n’en regrette aucun :
Je les respire là tous en un seul parfum,
Ô cheveux odorants ! ô ma boucle adorée,
Qu’elle noua longtemps sur sa tête sacrée ;
Qui, dans ses belles nuits, dormait sous le réseau,
Reployée à demi comme une aile d’oiseau,
Et qui chaque matin, quand l’âme aussi se lève,
S’échappait sur son front et caressait le rêve !
Anneau léger, le nœud le plus sûr de sa foi !
Feuille de l’arbre saint, cueillie exprès pour moi !


VIII


Tantôt une vapeur où son âme est baignée
L’enveloppe au réveil et, toute la journée,
La tient, et jusqu’au soir prolonge un négligé
Où des grâces d’hier sa main n’a rien changé.
En vain elle s’est dit que la campagne est belle,
Que l’air a des parfums, et qu’au dehors l’appelle