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POÉSIES

Les mêle à son désir, les plie en mille tours,
Incessamment les change et s’en souvient toujours.
Abus délicieux ! confusion charmante !
Passé qui s’embellit de lui-même et s’augmente !
Forêt dont le mystère invite et fait songer,
Où la Réminiscence, ainsi qu’un faon léger,
T’attire sur sa trace au milieu d’avenues
Nouvelles à tes yeux et non pas inconnues !


VII

LA BOUCLE DE CHEVEUX


DONNÉE EN RETOUR D’AUTRES LETTRES RENDUES[1]


Je ne regrette rien : ces lettres que je pleure,
M’en voilà tout payé, bien plus riche à cette heure !
Quoi ? tous ces souvenirs lentement amassés,
Ces purs commencements que rien n’a dépassés,
Et qui, par longs détours déroulant leur nuance,
Au cœur qui les revoit n’ont laissé nulle offense ;
Quoi ? ces bonjours charmants, mille fois variés,
Ces gracieux appels l’un à l’autre liés,
Ces demi-mots parlant au rêve du poëte,
Où j’achevais le sens sous la page discrète ;

  1. J’ai un doute : est-ce bien au même objet que s’adresse cette autre Élégie, douce de ton et moins vive ?