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DE JOSEPH DELORME.


III

ÉPODE


Audivere, Lyce, Di mea voto, Di
Audivere Lyce…

Horace, Odes, liv. IV, xiii


Le matin, en passant sous l’humide ramée,
Un double fruit vert-tendre est tombé du pècher :
Votre robe était là, rien qu’à demi fermée,
Il s’est pris au dedans comme pour s’y cacher.

Et le fruit d’abord vert, dans ce doux nid qu’il aime,
Sur ce cœur qui tout près réchauffe en palpitant,
A mûri, s’est gonflé mieux que sur l’arbre même :
Hébé tient le trésor et tout l’Olympe attend.

Je passais, j’entrevis le beau fruit dans sa gloire ;
Altéré de désirs, j’y plongeais tous mes vœux.
Vous l’entr’ouvriez de loin, mais sans m’y laisser boire :
La neige et le soleil m’embrasaient de leurs feux.

J’avais soif, je brûlais ; dans mon ardeur fatale
J’implorais un seul soir pour m’y désaltérer :
Mais vous avez souri de mon air de Tantale,
Vous faisiez votre jeu, croyant mieux m’enivrer.

Et pour plus aiguiser la flamme provocante,
Vous vous pariez le sein par un art diligent :