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POÉSIES


SONNET


Laisse ta tête, Amie, en mes mains retenue,
Laisse ton front pressé ; nul œil ne peut nous voir.
Par ce beau froid d’hiver, une heure avant le soir,
Si la foule élégante émaille l’avenue,

Ne baisse aucun rideau, de peur d’être connue ;
Car en ce gîte errant en entrant nous asseoir,
Vois ! notre humide haleine, ainsi qu’en un miroir,
Sur la vitre levée a suspendu sa nue.

Chaque soupir nous cache, et nous passons voilés.
Tel, au sommet des monts sacrés et recelés,
À la voix du désir, le Dieu faisait descendre

Quelque nuage d’or fluidement épars,
Un voile de vapeur, impénétrable et tendre :
L’Olympe et le soleil y perdaient leurs regards[1].


SONNET

À Théophile Gautier.


Pour venger du passé la jalousie amère,
Souvent je me suis dit : Jeune fille n’est rien

  1. Homère, Iliade, XIV.