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DE JOSEPH DELORME.

C’est ma chair et mon sang ! » — Et comment quitter là,
Je vous prie, et brusquer auteur qui dit cela ?
Comment lui voir le sang couler, sans qu’on y mette
La main, au moins le doigt, d’un mouvement honnête ?
J’écoutais, j’expiais, et j’avais mérité
Plus d’un beau rang déjà dans sa noble Cité,
Dans sa Cité future,… hélas ! quand midi sonne,
Midi, l’heure chérie, où Celle qui la donne
Doit arriver là-bas et va chercher longtemps
L’Ami pour qui son cœur célèbre le printemps.
Nous, en plein Carrousel nous étions : — « Je découvre
Que votre œuvre, monsieur Ballanche, est comme un Louvre,
Dis-je aussitôt, le Louvre aperçu de ce lieu :
Il n’y manque qu’une aile, il faut la faire : adieu ! »
Et sur ce mot adieu ! j’échappe et me dégage ;
Lui, bâille et rit, content du compliment pour gage,
Humant ma flatterie en face du beau ciel,
Et digérant longtemps ce doux gâteau de miel !

— Oh ! laissons-les de loin et mourir et renaître,
Ces rêves nés à l’âge où l’Amour n’est plus maître,
Systèmes qu’un mot flatte, et qui se croient moins faux ;…
Nous, comptons nos saisons par des baisers nouveaux !


(Il ne faudrait pas voir dans cette pièce autre chose qn’une plaisanterie innocente, entre amoureux, envers un homme qu’on vénère d’ailleurs, mais dont une fois on a souri)