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SUITE DE JOSEPH DELORME



À MADAME ADÈLE J…


qui avait lu avec attendrissement les poésies du jeune auteur qu’elle croyait mort.


Et c’est lui, c’est bien lui dont tous avez parlé :
Si vous l’aviez connu, vous l’auriez consolé !
Vous me l’avez écrit ; n’est-il pas vrai, Madame ?
Et depuis bien des nuits ce mot me trouble l’âme,
Et je me dis souvent qu’il aurait été doux
Pour lui, d’être compris et consolé par vous.

Mais, saviez-vous, hélas ! compatissante et belle,
En écrivant ce mot à son ami fidèle,
Saviez-vous ce que fut celui que nous pleurons ?
Saviez-vous ses ennuis, tous ses secrets affronts ;
Tout ce qu’il épanchait de bile amère et lente :
Que ce marais stagnant avait l’onde brûlante ;
Que cet ombrage obscur et plus noir qu’un cyprès
Donnait un lourd vertige à qui dormait trop près ?…
Savez-vous de quels soins, de quelle molle adresse