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PENSÉES

l’autel de Palès, la jeune fille au teint frais et vermeil s’est mirée à la fontaine,

………… Et pour paraître belle,
L’eau pure a ranimé son front, ses yeux brillants ;
D’une étroite ceinture elle a pressé ses lianes,
Et des fleurs sur son sein, et des fleurs sur sa tête,
Et sa flute à la main………

(Idylles.)


La Muse de Lamartine ne se soucie pas même de cette parure agreste et naïve qui charme singulièrement dans l’autre Muse, sa sœur ; il semble qu’elle n’ait jamais pensé, elle, à se mirer, à se regarder rêver ou marcher, à tourner la tête pour voir flotter ses cheveux au vent ou sa robe aux buissons. Et pourtant que de charme aussi dans ce laisser-aller sans corbeille et sans ceinture ! Quelle simplicité irréfléchie, sans retour sur elle-même, si parfaite qu’elle ne va pas jusqu’à paraître naïve ! que de noblesse dans cet abandon, et souvent et à la fois quelle grâce suprême ! Ainsi, vers la fin de l’admirable pièce des Étoiles, quand le poëte, épris de ces fleurs du ciel dont le lis est jaloux, voudrait fleurir aussi, et bien loin de cette terre,

Jonchant d’un feu de plus les parvis du saint lieu,
Éclore tout d’un coup sous les pas de son Dieu ;

quand il raconte alors comment, se ressouvenant du globe natal, il reviendrait chaque nuit briller sur les monts qu’il aimait, glisser dans les rameaux, dormir sur les prés,

………… Et s’il est ici-bas
Un front pensif, des yeux qui ne se ferment pas,

les caresser d’une lueur fraternelle, se fondre en eux jusqu’à l’aube, et qu’au moment de s’évanouir ;

Son rayon en quittant leur paupière attendrie,
Leur laisserait encor la vague rêverie,
Et la paix et l’espoir ;…………