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PENSÉES

Et plus loin, dans le chant de l’Aveugle :

Commençons par les Dieux : — Souverain Jupiter,
Soleil qui vois, entends, connais tout : et toi, mer,
Fleuves, terre, et noirs Dieux des vengeances trop lentes,
Salut ! venez à moi, de l’Olympe habitantes,
Muses ; vous savez tout, vous, Déesses ! et nous,
Mortels, ne savons rien qui ne vienne de vous.


Le vieillard divin poursuit : il chante l’origine des choses ; le débrouillement du chaos, les premiers arts, les guerres des Dieux et des héros ; puis les combats humains, les assauts, les sacs de ville ;

Puis aussi les moissons joyeuses, les troupeaux
Bêlants ou mugissants, les rustiques pipeaux, etc.


Et dans une élégie, chef-d’œuvre de grâce et de mollesse :

Les belles font aimer ; elles aiment. Les belles
Nous charment tous. Heureux qui peut être aimé d’elles !
Sois tendre, même faible ; on doit l’être un moment ;
Fidèle, si tu peux. Mais conte-moi comment,
Quel jeune homme aux yeux bleus, etc.


Émile Deschamps, dans une épître à son ami Alfred de Vigny, lui parle de cette lyre antique,

Que Chénier réveilla si fraîche, et dont l’ivoire
S’échappa sanglant de ses mains.


Dans la traduction déjà célèbre, quoique inédite encore, de Roméo et Juliette, Mercutio, blessé à mort, s’écrie en plaisantant :

Le coup n’est pas très-fort ; non, il n’est pas, sans doute,
Large comme un portail d’église, ni profond
Comme un puits ; c’est égal ; la botte est bien à fond.


Victor Hugo dit dans un de ses chants grecs :

Un Klephte a pour tout bien l’air du ciel, l’eau des puits,
Un bon fusil bronzé par la fumée, et puis
La liberté sur la montagne.