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POÉSIES

SONNET


Chacun en sa beauté vante ce qui le touche ;
L’amant voit des attraits où n’en voit point l’époux ;
Mais que d’autres, narguant les sarcasmes jaloux,
Vantent un poil follet au-dessus d’une bouche ;

D’autres, sur des seins blancs un point comme une mouche ;
D’autres, des cils bien noirs à des yeux bleus bien doux,
Ou sur un cou de lait des cheveux d’un blond roux ;
Moi, j’aime en deux beaux yeux un sourire un peu louche :

C’est un rayon mouillé ; c’est un soleil dans l’eau,
Qui nage au gré du vent dont frémit le bouleau ;
C’est un reflet de lune aux rebords d’un nuage ;

C’est un pilote en mer, par un ciel obscurci,
Qui s’égare, se trouble, et demande merci,
Et voudrait quelque Dieu, protecteur du voyage.


SONNET


En ces heures souvent que le plaisir abrège,
Causant d’un livre à lire et des romans nouveaux,
Ou me parlant déjà de mes prochains travaux,
Suspendue à mon cou, tu me dis : Comprendrai-je ?