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DE JOSEPH DELORME


Rien n’est sûr que de voir contre une épaule nue
Se briser en jouant des ondes de cheveux,
De cueillir les soupirs d’une bouche ingénue,
D’écouter succéder le silence aux aveux ;

De l’entendre jurer, quand tout change autour d’Elle,
Qu’un éternel amour doit pour vous l’enflammer,
Et de jurer aussi qu’on veut mourir fidèle…
Rien n’est sûr ici-bas, rien n’est bon que d’aimer !


À DAVID


statuaire.


À l’heure où l’on est loin de la foule envieuse,
Quand la neige, à minuit, lente, silencieuse,
Tombe aux toits endormis,
Et que seul, ô David, dans ton atelier sombre
Tu veilles au milieu de tes bustes sans nombre
Comme au milieu d’amis ;

Quand ton poêle s’éteint ; quand ta lampe mourante
Tremble à tous ces fronts blancs, et, comme une âme errante
Passe et joue à l’entour,
Bien des fois, n’est-ce pas ? l’enthousiasme austère
Par degrés te saisit et t’enlève à la terre,
Épris d’un noble amour !

Tu penses à la gloire, à l’oubli qu’on redoute,
À semer ici-bas le marbre sur la route
Où d’autres vont venir,