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DE JOSEPH DELORME


ITALIE


À mon ami Paul F… (Foucher).


O ubi campi !


Et pourtant le bonheur m’aurait été facile !
Que le sort aussi bien n’a-t-il jeté mes pas
Au rivage d’Otrante, aux plaines de Sicile,
Aux bosquets de Pestum que je ne verrai pas[1] !

Là, de nuit sur un roc, et de jour sous l’ombrage,
Rêveur et nonchalant, couché comme un pasteur,
Loin de l’humain troupeau qu’a dispersé l’orage,
J’aurais aimé du ciel mesurer la hauteur.

J’aurais aimé le flot de ces rives fécondes,
Les citrons dans la haie où le ramier s’endort,
Quelques vapeurs dans l’air comme de blanches ondes,
Et les astres au lac comme des graviers d’or ;

Et les chants du pêcheur, fils d’une noble race,
Fort et vêtu de peaux, tel qu’un ancien Sabin,
Et la vierge, au front brun, au marcher plein de grâce,
Qui pend sa robe au myrte et descend dans le bain.

  1. Il n’y a plus de bosquets à Pestum, il y a d’admirables colonnes debout se dessinant sur le plus beau ciel, et des ronces au bas, des reptiles, et la fièvre la moitié de l’année : mais Joseph Delorme voyait Pestum en idée du milieu de sa plaine de Montrouge.