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DE JOSEPH DELORME

Et quand son pied, pliant sous un beau corps qui penche,
Cherchera son chemin jusqu’à moi qui l’attends,
Longs rameaux, qu’au passage écarte sa main blanche,
Jouez dans ses cheveux, sans l’arrêter longtemps !

Silence ! derrière la haie
Qui donc court si vite ? avançons !…
Non, c’est un oiseau qui s’effraie
Et s’enfuit, comme si l’orfraie
Planait d’en haut sur les buissons.

Jour, ton flambeau pâlit ; hâte-toi de l’éteindre !
Vers d’autres horizons quand tu t’en es allé,
La Nuit au ciel désert se glisse sans rien craindre,
Silencieuse, en noir et le front étoilé.
La confidence éclose à ta lueur si douce,
Ô Nuit, loin des jaloux, fuit l’œil ardent du jour.
Oh ! que ton astre seul, sur le tapis de mousse,
Argenté à nos fronts nus les rougeurs de l’amour !

Mais quoi ? l’on dirait qu’on appelle ;
C’est comme sa voix qu’on entend…
Non, pas encor… ce n’est pas elle ;
C’est un cygne qui bal de l’aile
Et qui fait des ronds dans l’étang.

Autour de moi dans l’air montent mille harmonies ;
La cascade à deux pas murmure comme un chant ;
Une dernière fois levant ses fleurs jaunies,
La tige encor se tourne aux baisers du couchant ;
Demi-voilée à l’œil la pêche veloutée,
Ou sous le pampre vert la grappe au sein vermeil,
Sourit en se cachant, pareille à Galatée ;
Un vent humide arrose où passa le soleil.