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Lundi 14 octobre 1861.

MÉMOIRES
POUR SERVIR À L’HISTOIRE DE MON TEMPS
PAR M. GUIZOT[1].


Il est délicat aux hommes de notre génération de venir parler des chefs de la génération qui nous a précédés. Les distances et les avances de l’âge, des positions, des talents, il les ont eues dès le principe, il les ont toujours gardées. Nous semblons mal venus de nous ingérer, fût-ce à la dernière heure, de juger des hommes qui ont été nos guides et nos maîtres, ou qui n’ont cessé de l’être que parce qu’à un certain jour nous nous sommes émancipés et séparés. Et cependant, d’enfants que nous étions, nous avons grandi à leur ombre, et quelquefois malgré leur ombre ; nous aussi, nous avons vécu, nous avons vieilli ; nous avons nos opinions faites et qui ont le droit, à leur tour, de se dire mûres. Et puis, est-ce rendre à leurs œuvres le plus digne hommage que d’éviter d’en parler devant tous ? Osons donc :

  1. Le quatrième volume venait de paraître. — Michel Lévy, rue Vivienne, 2 bis.