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NOUVEAUX LUNDIS.

I.

ROYER-COLLARD

M. Royer-Collard n’était pas en 1815 ce que nous l’avons vu dans la dernière partie de sa carrière ; il était plus voisin de ses origines et de ses premiers antécédents qui avaient été tout royalistes. Ce personnage original et unique, en un temps où il y en a si peu de parfaitement entiers, était, comme on sait, sorti de souche janséniste ou plutôt d’une famille imbue des principes et des maximes de Port-Royal, ce qui est, à mes yeux, un peu différent ; c’était, en un mot, de la sévérité morale chrétienne plutôt encore que de la théologie qui l’avait environné et nourri dès l’enfance, et il n’avait


    infamies calomnieuses ; il fait entendre, par exemple, que j’ai dû avoir quelque obligation à M. Michaud pour l’avoir maltraité ainsi. Et notez que je ne l’ai point maltraité ! Je vous demande un peu quelles obligations j’ai pu avoir dans ma vie à M. Michaud, si ce n’est de l’avoir entendu quelquefois causer. Mais le Laurentie manquerait au seul talent qu’il ait, en procédant autrement : esprit bas, étroit, médiocrité amère. Imposé à l’Université, en qualité d’inspecteur général, dans le temps du triomphe de la Congrégation, il s’y rendit célèbre d’emblée, et y prit ses grades par une bévue : il crut et il fit imprimer dans je ne sais quel de ses livres que Romulus, après une victoire, avait consacré à Jupiter les armes d’un certain roi Férétrius. Dans son ignorance de Jupiter Férétrien, il débaptisait le dieu et il baptisait un roi de son invention, preuve que ce soit-disant défenseur des bonnes études n’avait pas même la son Rollin. Cela fit beaucoup rire. C’est la seule chose gaie qui soit échappée à ce triste écrivain, à ce triste et sec esprit ; c’est le seul souvenir littéraire qu’il mérite de laisser.