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sur m. littré.

En 1835, M. Littré se maria. Peu de temps auparavant, il comptait encore échapper à ce joug que la société impose et se croyait fait pour le célibat. Il changea brusquement d’avis et se soumit avec facilité. Il épousa une personne simple et de mérite, pieuse et pratiquant. La fille qui lui naquit et qui est aujourd’hui si digne de son père, une aide intelligente dans ses travaux, fut élevée de même selon la foi de sa mère, chrétiennement. C’est ainsi que ce philosophe, au cœur doux autant qu’à l’esprit élevé, comprend la tolérance et l’exerce autour de lui. Ce fut lui-même qui éleva sa fille. Chaque jour, après le dîner, une heure durant, il lui faisait faire des devoirs, des dictées, dont Sophie était l’occasion et le sujet. Il y mettait de l’ingénieux, et même une sorte de grâce. De même qu’il respecta toujours dans sa femme la piété qu’elle avait, il la respecta également dans sa fille avec une délicatesse et une douceur parfaites. Quand on est initié comme je le suis, comme je viens de l’être par toutes sortes de témoignages, à cet intérieur d’honnêteté, de simplicité et de

    du ciel, et combien les yeux se plaisent à considérer ces étoiles innombrables, ces globes semés dans l’espace, ces îles de lumière, comme dit Byron, dont se pare la nuit : je termine en rappelant que, pour les yeux de l’intelligence, le spectacle des lois mystérieuses et irrésistibles qui gouvernent les choses n’est ni moins splendide ni moins attrayant. Le poëte latin, quand il dissipe l’obscurité qui enveloppe son héros, lui fait voir, au milieu du tumulte d’une ville qui s’abîme, les formes redoutables des divinités qui président à ce grand changement, numina magna deûm. Ainsi, au milieu du tumulte de la vie qui arrive et de la vie qui s’en va, au milieu de l’évolution perpétuelle des êtres apparaissent les lois redoutables que l’esprit humain ne peut contempler ni sans effroi ni sans ravissement. »