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i LIVRE D’AMOUR. II. IS’avoirqu’un seuldésir, n’aimer qu’un être au monde, L’aimerd’amour ardente, idéaleet profonde ; Voir presquetous les jours, et souventsans témoins, Cette beauté, l’objet de mes uniquessoins ; Lui parler longuementdes douxsecretsde l’âme, De l’une et l’autre vie ; et, sitôt que la flamme Qui sort de son regard s’est trop mêléeau mien, Ralentir tout à couple rapideentretien ; Sous ma paupièreen pleursnoyer mon étincelle ; Refoulerles torrents de mon cœur qui ruisselle ; Me taire, ou lui parler d’un accentmoins aimant, De peur de donnerjour à l’attendrissement ; Ou bien quand, près de moi, muette, indifférente, Elle livre au hasard sa rêverieerrante, Aloidevant qui toujourselle est seule, elle est tout, titre là commeun meuble, en silence, debout ; N’oser, mêmed’un mot, ramenersa pensée, Mais grossirlentementma douleuramassée, Et quandj’ai le cœur plein, sortir au désespoir, Sortir,–pour que peut-êtreelle songe, le soir, Queje fus bien distrait, bien ennuyéprès d’elle, Pour queje lui paraisseun ami peu fidèle, Et que, si quelqueabsenceun jour nous séparait, A m’oublierlongtempselle ait moinsde regret ; Vivreainsi, se gêner, mentir à ce qu’on aime ; Enchaînercet aveu qui volede lui-même ; Mordresa lèvreen sang, pétrifiersesyeux ; En pâlir, en mourir,.-et sentir que c’est mieux !